Et il noie sa peine dans les jours de pluie | ft. Harley

chagrin gronde au loin,

ft. Harley James

La clope au bec, un genou à terre sur le bitume, le marqueur blanc à la main. Les lettres attachées toujours appliquées sur le tableau noir que tu tiens à jour avec une régularité exemplaire, pour les soirées spéciales, les promotions, si le motel est complet – ça, tu l’écris pas aussi souvent, c’est calme en ce moment. Tu t’arrêtes dans ta calligraphie un instant, ton nez pointé vers le ciel. Les nuages gris s’amoncellent, l’air et les cieux sont un peu trop chargés pour une simple averse. Bah, tu dois juste finir ta pancarte en vitesse et rentrer à l’abri. Pis ça se trouve c'est rien.

Tu termines rapidement la cigarette après avoir apposé le dernier petit point sur la plaque. Et tu rentres sans chercher à vérifier tes hypothèses météorologiques par toi-même, voir la pluie tomber – ou pas – à travers les fenêtres te suffira largement. Tu préfères te concentrer quelques minutes sur ton ordinateur, vérifier que tout fonctionne bien, que y’a pas eu de réservation récente que t’as pas traité, que y’a pas de lumière qui clignote frénétiquement sur le téléphone comme quoi un client aurait eu besoin d’un truc dans sa chambre. T’es méticuleux, tout le temps – une peur de rater un détail qui pourrait faire un effet boule de neige, une frayeur héritée de ton stupide mariage. Tu devrais croire comme te l’a répété tous ceux qui sont venus te consoler, qu’avec ou sans ton aveuglement volontaire face à la situation, il aurait été tout pareil. Mais c’est pas le moment de ressasser le passé, te fait comprendre Pantoufle en venant se glisser sous le bureau, toute guillerette, s’entremêlant entre tes jambes – à croire qu’elle sent la tristesse avec sa truffe. Ça t’arrache un sourire, alors que l’une de tes mains reste sur la souris de l’ordinateur, l’autre vient chercher sa tête pour lui gratter les oreilles.

Je pense que c’est fini pour ce soir ma belle.

Et c’est pas plus mal, ton labrador a l’air d’accord : elle doit savoir aussi que si vous êtes tranquilles, ça veut dire plus de poser ma grosse tête sur les genoux de mon maître et avoir plein de gratouilles jusqu’à ce qu’il s’endorme avec son livre sur le canapé. C’est pas le cas tous les soirs, cette tranquillité, c’est tant mieux : ce serait bien monotone. Ceux qui arrivent en fin de soirée, non pas qu’ils te fassent chier dans les grandes lignes, mais y’a plus simple pour t’organiser. Mais le client est roi, qu’on t’a appris. Et ça aura jamais rien à voir avec les modèles des shoots auxquels tu assistais à Los Angeles, ou les auteurs français pour qui t’as fait un tas de paperasse, et c’est pas plus mal. T’as toujours ton lot de capricieux, retardataires, réfractaires, et tout le reste, mais y’a moins d’urgence et moins de violence dans les situations. Ça n’a rien à voir ici. Tu te sens plus en apnée, tu peux enfin respirer.

Tu redoutes pas une pluie à venir en te disant que tu vas devoir attraper le métro bondé pour rentrer sans être mouillé, tu vas devoir courir pour pas que ce manuscrit de deux cent pages super lourd finisse trempé, nan. T’as le temps. Et le calme. Pour l’instant, en tout cas.

et il noie sa peine dans les jours de pluie@Maxence Adler ; Tu te souviens, déjà minot, c'était un enfant roi, maintenant c'est un type aigri qui ne sait pas faire de choix. Insatisfait à vie, c'est une maladie, un virus aguerri qui ne se guérit pas. Et il veut plus et toujours plus, une seule chose suffit pas. Si il peut toucher la lune, il la jettera quand il l'aura. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses veines. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses peines. ( l'insatisfait )Éteins, tes yeux fixent l'horizon à travers la vitre de l'autobus. Tes yeux ne voient rien en particulier, plongé dans tes pensées comme tes doigts dans la fourrure de ton animal compagnie installé sur tes cuisses. Tu es partout sauf ici. Tu es partout et nulle part. Tu songes aux nuages menaçants dans le ciel sombre et à la pression qui règne dans l'atmosphère. Ca pue l'orage, et tu croises mentalement les doigts pour que la menace soit vaine, que la pluie tombe et rien d'autre au risque d'éveiller tes pires cauchemars d'apocalypse. Et au bout d'un moment, le véhicule ralentit, et tes yeux s'accrochent à une enseigne, non loin de là. Le motel : ta destination. Alors tu invites ton chat à s'installer dans ton sac que tu charges avec précaution sur ton dos après t'être levé et bien ancré sur tes pieds pour résister au freinage.

Tes pas te mènent dehors, et tu sens la pluie s'abattre sur toi, ton chat s'agite dans ton dos. Probablement vient-il d'enfouir sa tête dans le sac pour échapper aux gouttes d'eau. Tu presses le pas, t'engouffrant rapidement dans le bâtiment. A l'accueil, comme d'habitude, se trouve Maxence. Ca fait un petit moment que tu n'as pas vu le propriétaire des lieux, depuis la dernière fois avant ton départ, quand t'es parti sans prendre le temps de lui dire au revoir, lui laissant simplement une chambre propre, la somme que vous aviez convenu dans la boîte aux lettres, et la clé à disposition à l'accueil. Ton regard calme se pose sur son visage que tu fixes, ta face sans émotion. « Une chambre s'il te plaît, Maxence. » dis-tu, une certaine impatience se trahissant dans ta voix. T'en oublies de le saluer. Si t'as l'air parfaitement stoïque, il y a quelque chose qui se trame, tu veux y échapper et ça presse. Comment vas-tu sortir d'ici si l'orage éclate avant que tu sois dans la chambre ? Et tu ne souhaites pas qu'il te voit tout paniqué. Vite, la clé ! Vite, ta chambre ! Tu n'as ni le temps ni l'envie de discuter, comme bien souvent. Mais en encore pire. Tu penses que Maxence s'y est fait, ça fait un moment que tu traînes dans les parages après tout, et parfois tu prends la peine d'échanger quelques mots avec lui, mais la plupart du temps, tu te tais et tu passes vite fait à autre chose. Les choses plus importantes, les choses qui retiennent ton attention plus que de parler de la pluie et du beau temps. Tu manques de sociabilité, c'est vrai. Mais est-ce que le fait de le savoir va te faire changer ? Il ne faut tout de même pas croire aux miracles non plus.

Et comme il ne va pas assez vite à ton goût, tu ajoutes « S'il te plaît. » sans te préoccuper de s'il a autre chose à faire sur l'instant, quoi que ce soit à finir. Pour l'instant, tu t'en contrefous, tu te fous de tout, sauf de l'idée que tu pourrais entendre soudainement éclater le tonnerre.2981 12289 0

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Tu pensais, que ça allait être calme. T'y croyais dur comme fer, parce qu'après un an et demi, bientôt deux, à gérer ce motel, tu commençais à connaître les mécanismes, les habitudes, comment les trucs fonctionnaient, s'articulaient. C'était pas les jours de fêtes nationales les plus vivants, c'était les jours d'avant, c'était pas forcément le client le plus mal fringué qui allait se comporter comme un malpropre dans sa chambre, et bien d'autres. Mais les jours de pluie, ou le ciel noir qui la présageait par avance en tout cas, c'était l'assurance du calme. Mais ta science n'était pas infaillible.

Autant en commerce qu'en termes d'êtres humains.

C'est pour ça que t'es un peu surpris, presque sorti d'un début de légère somnolence, d'entendre le cliquetis caractéristique de la porte avec sa cloche qui résonne - t'adores cette cloche, elle a un air et un son si kitsch, t'as jamais eu envie de t'en séparer.

Harley. Et bah, ça faisait un petit moment. Et ça a beau faire un petit moment, t'as dû louper le bonjour qui allait avec sa demande. Non ? Non, il la réitère, et toujours pas. Alors, comme un con qui aime parfois taquiner ceux qu'il connaît, tu te penches au-dessus du comptoir, comme si tu vérifiais quelque chose à ses pieds - la présence d'une autre valise, d'un objet ?

Bah alors ? T'as oublié ta politesse où ? Tu dis plus bonjour maintenant ?

Un petit sourire pour lui montrer que tu fais que le taquiner, mais quand même : qu'est-ce qui lui prend ? Il a l'air bizarre. Alors t'as envie de creuser un peu, parce que ça t'inquiète, mine de rien. Alors tu pianotes sur ton PC, recherche sa chambre - disponible, évidemment - et tu cherches dans ton petit placard à cartes magnétiques et clés.

Non sérieusement, ça va ? Parce que ça fait un petit moment et comme t'as perdu les usages du style bonjour... Bon, t'as l'air de toujours savoir dire s'il te plaît, c'est cool, mais voilà, je m'inquiète.

La taquinerie qui dissimule l'inquiétude : c'est bien ton genre, c'est tout toi-même. Tu caresses la tête de Pantoufle qui grogne légèrement - t'as vu le sac de Harley bouger, tu sais ce qu'il en est. Tu reviens à lui, clé et carte autour de l'anneau dans la main. Comme dans l'attente d'une réponse avant de lui donner le précieux sésame.

et il noie sa peine dans les jours de pluie@Maxence Adler ; Tu te souviens, déjà minot, c'était un enfant roi, maintenant c'est un type aigri qui ne sait pas faire de choix. Insatisfait à vie, c'est une maladie, un virus aguerri qui ne se guérit pas. Et il veut plus et toujours plus, une seule chose suffit pas. Si il peut toucher la lune, il la jettera quand il l'aura. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses veines. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses peines. ( l'insatisfait )Blasé.

Tu l'aimes bien Maxence. Il est gentil. Il est aimable. Il est tout ce que tu veux. Mais Maxence, là, il te saoule. Parce que t'as pas que ça à foutre. Tu veux la clé, tu veux te barrer, t'enfermer dans une chambre et y passer la nuit en position foetale dans le lit. Et l'envie se fait de plus en plus pressante au fur et à mesure que t'es sûr que l'orage va éclater. Que ça va pas tarder. Sans déconner. Après avoir fait semblant de chercher un truc qui n'existe pas, il te fait sa remarque genre… Il t'a pris pour un gamin de 5 ans ?
Genre… Il se prend pour un vieux de 60 ans ?
Tu soupires bruyamment, ne cherchant même pas à te retenir. Tu cherches même pas à être aimable. T'es pas d'humeur. C'est pas le moment. T'as pas le temps pour ses conneries.
Et en plus, on est le soir. On ne dit pas bonjour le soir. On dit bonsoir. Mais toi, t'as pas envie. Tu veux juste te barrer.

Et tu dis : « Sérieux ? Tu vas vraiment jouer au vieux daron maintenant, là ? »

Ta voix est sèche, plus qu'avant. Tu râles ouvertement. Toi, si peu expressif, tu montres ton mécontentement, ton regard est assombri, tes sourcils froncés.

Impatient.

Parce qu'il continue dans sa lancée. Et tu sentirais presque tes cheveux se dresser sur ta tête, à la manière des poils d'un animal irrité. Tu serres nerveusement la bretelle de ton sac dans ta main, t'en as les articulations toutes blanches. Aussi pâles que ton visage. Et tu lâches un : « Bon, t'as fini là ? Bonsoir. C'est bon ? T'es content ? La clé maintenant. Mer-ci. » Tu la lui prends s'il ne vet pas te la donner. Et tu tournes les talons pour te diriger vers la porte. Sortir, aller à la chambre, fermer à clé, se cacher sous la couette…

Trop tard.

Parce qu'alors que tu as tout juste la main sur la poignée de la porte, tu entends le premier coup de tonnerre et t'es littéralement pétrifié sur place.

Maxence, je te hais.2981 12289 0

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ft. Harley James

Bon. T'as parié et t'as perdu. C'était visiblement pas le jour pour embêter Harley. Il a vraiment pas l'air d'humeur à rigoler sur les bonnes manières et la politesse. Dommage parce que tu sais que toi et les français, c'est vraiment un truc sur lequel vous aimez bien être chiants.

Tu dis rien quand tu te fais presque voler la clé des mains. Bon. C'est pas sa journée, ok. Tu sais qui c'est Harley, tu le connais à force. Tu sais qu'il est pas froid et brut parce que c'est un client malpoli ou qui se sent avoir le droit de tout parce qu'il est un "client", non. Il est pas comme ça d'habitude, donc doit y avoir un truc. Mais quoi ? Tu sais pas, et tu sais pas si c'est une bonne idée de creuser alors que tu viens de l'énerver visiblement. Il a même pas daigné répondre à ton ça va, alors bon.

Désolé. Que tu dis alors qu'il est déjà arrivé à passer la porte. Le vieux DARON s'inquiète.

Et tu l'as dit plus fort pour souligner un peu, pour qu'il t'entende alors qu'il allait se barrer. Mais il bouge pas. Bah, il doit chercher un truc dans sa poche que tu vois pas. T'insistes pas, tu te penches sur Pantoufle qui s'agite un peu soudain. Tu lui gratouilles la tête gentiment alors qu'elle a l'air d'avoir envie de sautiller partout - qu'est-ce qui leur prend à tous aujourd'hui ?

Quand tu relèves les yeux, Harley est toujours là, bloqué. Alors bon, inquiet, en bon "daron", tu fais le tour de ton comptoir, suivi de manière enthousiaste par ton labrador et tu t'approches, sur le côté, faisant semblant de sortir d'une pochette plastique une feuille sur la devanture pour la mettre au goût du jour. En vrai, tu fais bien de vérifier, mais c'est un bon moyen de pas venir le faire chier juste comme ça.

Euh ça va ? Y'a un souci ? Tu comptes prendre racine ?

Tu te sens un peu coupable quand même, parce que t'as l'impression que bah... C'est ta faute qu'il soit comme ça ?

Sérieux, je suis désolé hein. Je voulais pas te vexer. Mais si tu veux camper dans mon hall en signe de résistance, tu vas vite te faire chier.

et il noie sa peine dans les jours de pluie@Maxence Adler ; Tu te souviens, déjà minot, c'était un enfant roi, maintenant c'est un type aigri qui ne sait pas faire de choix. Insatisfait à vie, c'est une maladie, un virus aguerri qui ne se guérit pas. Et il veut plus et toujours plus, une seule chose suffit pas. Si il peut toucher la lune, il la jettera quand il l'aura. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses veines. Alors il se fume, il fume des vogues hallucinogènes, dans la brume pour embaumer ses peines. ( l'insatisfait )Sa justification, elle t'arrache juste un « Pfff. ». Inquiet ? Vraiment ? Personne ne s'inquiète pour toi, tout le monde s'en tape, alors pourquoi Maxence qui te connaît à peine s'inquièterait pour toi ? Pourquoi est-ce qu'il en prendrait la peine ? Vraiment. Tu pourrais lui lâcher un long discours accompagné de violons, sauf que t'es pas d'humeur. TOI, t'es inquiet. Alors il n'y a que « pfff. » qui est sorti de ta bouche sur le moment. Synonyme de ridicule.
Ou de bullshit.
Ou de fais pas genre.
Ou de balivernes.

La clé en main, tu tends l'autre pour ouvrir la porte. Sauf que t'en es pas capable. C'est trop tard. Avec ces conneries, t'as pas eu le temps de gagner la chambre avant que le ciel ne se mette à éclater. Tu serres les dents, ne manquant pas de maudire le proprio du motel qui a préféré te faire la morale plutôt que de te rendre vite le service que tu demandais. Tu te retrouves figé sur place, aussi immobile qu'une statue de pierre. Et la voix de Maxence te parvient alors que t'es tétanisé, tes yeux s'ouvrant grand d'effarement quand un grand bruit de tonnerre parvient à tes oreilles. Pour toi, c'est ton monde qui s'écroule, comme à chaque nuit d'orage. Tu te mords fort les lèvres, ignorant les mots de Maxence et les mouvements de ton animal de compagnie dans ton sac. Ta main tendue vers la poignée retombe le long de ton corps. Et comme au ralenti, tu te tournes vers Maxence. « Je peux pas. » lâches-tu finalement, puis « Je peux pas, je peux pas... ». Cette fois, tout ton visage a changé. Et sur ta face, on y voit l'effroi. Et tu sursautes quand un éclair se fait voir à travers la vitre, éclairant le ciel et vos visages. T'essayes de prendre sur toi, t'essayes. Mais tes barrières tombent un peu plus à chaque manifestation de ce temps aux allures d'apocalypse. Les épaules basses, tu te retiens de te recroqueviller sur toi-même. Tu t'empêches de pleurer, alors que tu trembles. T'es juste terrifié. Tu perds lien avec la réalité, alors que t'as juste cette effrayante sensation que ton monde s'écroule sur toi et que tu vas finir écrasé. Si seulement t'avais eu le temps de te réfugier dans la chambre… Personne n'aurait assisté à cette scène. Personne ne t'aurait vu aussi pitoyable...2981 12289 0