(CLAYTON LLOYD) fierce as fire, cold as ice and lonely as the grizzly

◗ Portrait
une date  - Celle du 08 août 2018. Elle est partie avec toutes ses affaires et sans se retourner. Un appartement qui se vide du jour au lendemain... Ça marque un homme et ça le change. J'peux vous l'assurer.
un animal  - Le Grizzly. Ours typique du Nord des États-Unis et du Canada. C'est clairement son animal totem.
une fleur - La Belladone. Robuste et gigantesque, le plant peut atteindre les deux mètres. Très toxique, la belladone s'avère néanmoins utile dans le domaine pharmaceutique.
une couleur - Le Rouge. Qu'il soit cerise, alizarine, cardinal ou coquelicot, pour en citer quelques teintes. Une couleur stimulante et excitante. Si elle est symbole de chaleur, d'amour et de passion ; elle est aussi associée à la colère, au sang et à l'agressivité.
un film - Il faut sauver le Soldat Ryan. Sans discussion. Okay, il en aurait d'autres à vous citer. Mais à choisir, celui-ci lui a vraiment mis une claque dans la gueule. En vrai... La scène du débarquement prend bien aux tripes. En tout cas, lui s'en souvient.
une chanson - Remember Everything de Five Finger Death Punch.
un instrument  - La guitare. Un instrument qu'il gratte à l'occasion depuis ses six ans. Un instrument qui le canalise, lorsque le besoin s'en fait sentir.
un bruit  - Celui du V8 qui vrombit. Mécanicien à ses heures perdues, Clayton adore bidouiller les entrailles de son véhicule. Acheté à l'état d'épave à l'époque, Clay a retapé son bijou durant dix ans. Sa voiture, c'est sa monture. Et lui, le cavalier solitaire.

◗ Vracs
• Clayton est l'aîné d'une fratrie de trois gamins. Avec lui, il y a la sœur cadette et le benjamin qui a suivi. Marilyn et David. Si vous lui posez la question, Clay vous répondra toujours la même chose. À choisir, il aurait aimé - ou préféré, c'est selon - rester fils unique. Être l'aîné dans une famille, ça implique une grande part de responsabilités. Et bien évidemment, Clay n'est pas Peter Parker. En clair, il serait plutôt anti que super-héros. Si j'vous dis ça, c'est parce que le cocon familial était clairement pourri de l'intérieur. Grandir avec un père alcoolique, c'est pas cool. C'est même plutôt malsain. Voir son paternel aux abonnés absents ; le voir cogner sa mère dans des excès de rage ou s'en prendre à ses propres enfants... Disons que c'est ce qui a en grande partie forgé sa personnalité. C'est à cause de tout ce bordel, si Clay est devenu aussi froid et violent ; au fil des années. Quand Marilyn et Dave faisaient des conneries, Clay prenait pour eux. Il prenait pour eux parce qu'il les protégeaient. En somme, il voulait prendre son rôle de frère aîné au sérieux. Il encaissait les coups en silence. Durant son adolescence, Clay faisait en sorte de fuir le foyer aussi souvent que possible. L'école était loin d'être ce qu'il préférait. Mais au moins, le milieu était plus sain que celui de la maison.

• Suivant des amis dans leurs délires, il a pu expérimenter un tas de trucs. Premier verre d'alcool, première cigarette, première partie de jambes en l'air... Une vie d'adolescent et d'étudiant plutôt normale disons. Et si ses résultats scolaires étaient loin d'être mirobolants, Clay s'efforçait de tout faire pour avoir la moyenne. C'était compliqué, c'était rébarbatif et ennuyant... Mais il n'avait pas le choix. Il n'avait pas le choix parce qu'il voulait choper son diplôme. Avec ce bout de papier à la con, il savait qu'il pouvait en finir. Devenir un adulte et avoir l'occasion de prouver ce dont il était capable. De ses seize à ses vingt-et-un ans ; Clayton a effectué son service militaire. Plus ou moins bien. Peu enclin à recevoir des ordres, le bonhomme s'est fait remonter les bretelles à de nombreuses reprises. Et c'est ce qui l'a aidé à se forger d'avantage. En soit, c'était un mal pour un bien. Même s'il n'est pas sorti de là avec les honneurs, il a eu une certaine reconnaissance. Et c'est comme ça qu'il a pu se faire engager tout jeune, comme bleusaille au sein du SWAT. Il était âgé de vingt-cinq ans.

• Nouveau milieu, nouvelle ambiance et nouvelle équipe. Mais ça n'a pas empêché les mêmes merdes. Le bizutage, les ordres, les mêmes missions à la con qui s'enchaînaient... Au bout d'un an, ça commençait déjà à faire long pour Clay. Mais comme il était déterminé à gravir les échelons ; il encaissait. Il encaissait, comme il avait pu le faire dans le passé. Avec cette hâte de pouvoir commander à son tour. Sauf que ça ne n'est pas fait. Clayton n'a pas pu en faire un métier ; parce que ses supérieurs en ont eu marre de le rappeler à l'ordre de façon systématique. Avec lui, c'était toujours pareil. Clayton avait de sales méthodes. Le genre de méthodes peu - voire pas du tout - recommandables. Le SWAT ; ça avait toujours été une unité d'intervention. Une unité de première ligne, dévouée à faire le sale boulot. Mais Clayton... Disons qu'il faisait son boulot et celui des autres. Se prendre pour un flic et violenter des suspects pour obtenir des aveux... Ouais, non. Mauvaise idée. Ça a été la goutte de trop, le jour où il a - malencontreusement, selon ses dires - cogné un suspect au point de lui péter la mâchoire et de lui luxer l'épaule droite. Violent, j'vous dis. Bon, après... Le gars avait osé insulter sa soeur de prostituée. Du coup... Chacun est juge mais... Il aurait pas dû. Même avec la surveillance vidéo à l'appui, on entendait rien. Forcément... Le suspect avait tout nié en bloc. Avec ses antécédents, Clay a dû passer pour le type sanguin qui avait frappé le premier. Et à cause de cet incident supplémentaire, la direction en a profité pour le renvoyer. À vingt-huit ans, Clayton est sorti de son unité par la p'tite porte...

• À presque trente ans, il fallait qu'il se reprenne en main. Un refrain qu'il entendait trop souvent avec sa mère ; qui avait divorcé depuis. Elle le comparait toujours à sa soeur et à son frère qui - d'après elle - avaient réussi leur vies. Parce qu'ils avaient chacun leur vie de couple, parce que sa soeur avait même un enfant, parce qu'ils avaient tous les deux un bon boulot, parce que de son côté ; son frère David avait grimpé les échelons dans son entreprise... Brèfle ! À entendre sa mère, c'était comme si Clayton était bon à rien à côté d'eux. Et c'est comme ça que Clay est parti de la maison, en colère. À chercher tout ce qu'il pouvait pour se trouver un travail. Qu'il soit temporaire ou définitif. À ce stade, il n'en avait plus rien à foutre. Lui, il voulait juste un salaire et de quoi se payer un loyer. Histoire d'avoir un toît au-dessus de la tête pour se loger. Peu importe l'endroit, miteux ou pas. En se baladant, Clay est tombé sur un club de boxe. Intrigué, il était entré à l'intérieur et il a commencé comme ça. Quitte à avoir un tempérament violent, Clayton avait pensé que c'était une bonne idée de le mettre à profit. Sous l'effet de l'adrénaline, mettre des types K.O ; il savait le faire. Et il a pu se faire un nom comme ça. Quelques années plus tard, avec de bonnes sessions d'entraînement et une p'tite renommée... Disons qu'il était prêt pour le grand soir. On lui avait promis le grand jeu. Un adversaire, un objectif. Il avait juste à le mettre au tapis et empocher le pactole. En vrai... Cinq mille dollars... Forcément, oui ! Il n'a pas craché sur l'occasion. Il avait besoin du blé. Alors il l'a fait. Il l'a fait mais il s'est fait doubler. Déjà, ça n'avait pas été une mince affaire ; avec une arcade pétée en guise de souvenir... Encore heureux, les combattants utilisaient des protège-dents. Mais le pire, ça avait été la suite. Un merci et un au revoir. Ah oui ! Avec une récompenses de deux cent dollars pour avoir étalé son adversaire. Sympa, hein ? On s'était bien foutu de sa gueule. Bien évidemment, Clayton avait fait savoir qu'il n'était pas content. Et il avait cogné le responsable devant témoin. Pas n'importe qui. Une femme. Celle du gars qui l'avait entubé. Une femme qui avait compris que son p'tit ami était trop con. Trop con et moins costaud. C'est comme ça que Clayton a pu récupérer le pognon et la gonzesse, qui s'appelait Gwendolyn. Trop beau pour être vrai, hein ? Attendez la suite...

• Avec le pognon, Clayton s'était dit qu'il avait moyen de réinvestir. De trouver un endroit ou crécher convenablement. De se trouver un meilleur boulot. Et c'est comme ça qu'il a trouvé un appartement avec Gwen, âgé de trente-deux ans. Avec une partie du pognon, il avait racheté un tacot tout claqué. Son rêve, c'était de le retaper. En vrai... La bagnole avait du potentiel. C'était un vieux V8 de la fin des années soixante. Une Ford Mustang Fastback de 1968. Joli bijou. Bon... À moitié désossé, en grande partie rouillé... Mais prometteur. Il avait même pu trouver un emploi dans une boîte de nuit, histoire de se faire d'avantage d'argent. Le souci ? Les problèmes qui sont venus ensuite. Il passait bien plus de temps à bricoler qu'à bosser et à s'occuper de Gwen et de prendre soin d'elle. Elle, elle voulait juste de l'attention. Mais bon... Son attention, c'était surtout le souhait d'être couverte de cadeaux et de batifoler quand elle le souhaitait. Manque de bol, Clay était loin d'être dépensier et n'avait pas de libido aussi démesurée que la sienne. Ce qui a amené un nombre de disputes, au fil des mois. Notamment parce que Clay avait perdu son travail de videur, au bout de six mois. Trop violent ou plutôt... Dissuasif avec les clients. Qu'il s'agisse de Clay ou de Gwen, chacun prenait sur soi. Après tout, il y avait des hauts et des bas dans leur relation ; comme il pouvait y en avoir ailleurs. Le pire dans tout ça ? C'est que Gwen pensait qu'en se mariant avec lui, ça allait le faire changer. Tu parles... Effectivement, ils l'ont fait. Ils se sont mariés quand Clayton avait trente-cinq ans, en 2016. Leur vie de couple a duré deux ans. Deux ans, parce que Clay ne faisait pas plus d'efforts pour rechercher du travail ; préférant bosser sur son bolide. Ça a mis Gwendolyn hors d'elle, qui a préféré s'en aller. C'en était trop. Et c'est comme ça qu'elle est partie ; un soir d'été. Le 8 août 2018. Elle avait tout pris. Tout. À l'exception d'une chose. La bagnole. Au fond, Gwen disait toujours à Clay qu'il la préférait. Si elle était jalouse ? P'têt bien. Sûrement, même. À vrai dire, Clayton ne s'était jamais posé la question. Pour lui, Gwendolyn ne voulait qu'une chose. Être pourrie gâtée, enchaînant les sorties dans des restaurants, se faire couvrir de fringues, de bijoux, de lingerie... Brèfle ! Un genre de délire que Clayton ne partageait pas du tout.

• Seul, il n'avait plus que sa caisse. Sa caisse, quelques billets et son curriculum vitae. Ex-membre du SWAT, ancien boxeur semi-professionnel entre gros guillemets ; avec de l'expérience en tant que videur de boîte de nuit. Il y avait p'têt moyen de se retrousser les manches et de trouver un truc. Et c'est dans un cybercafé que Clayton avait déposé une annonce. Au bout de deux semaines, il a pu avoir une réponse. Positive. Un soulagement pour lui qui était au bord du gouffre financièrement. En vrai, ça ne pouvait pas mieux tomber. Histoire de se refaire, avec les capacités qu'il avait... Garde du corps, c'était pas déconnant. Pour le coup, il y avait vraiment du blé à se faire. Politicards, stars de ciné, mannequins... Ouais. Clayton avait l'embarras du choix. Et c'est comme ça qu'il a pu commencer. Après un mois de formation et de mise à l'essai, ses supérieurs l'avaient trouvé prêt. Apte à se rendre sur le terrain. Et pour la première mission qu'on lui avait confié, c'était plutôt concluant. En terme de cadres, d'ambiance, d'invités... Plutôt cool, en vrai. Clayton était dans son élément. S'il pouvait adresser des regards, il ne parlait à personne. Il surveillait et faisait son boulot. Il avait son oreillette et suivait les ordres à la lettre. Ouais, encore. Mais bon... Le salaire était sympathique lui aussi. Et pas que. Avalon. C'est comme ça qu'il l'a rencontrée. Une charmante jeune femme. Voyez le genre de coup de foudre, au premier regard ? Bah voilà. C'est venu comme ça, sans prévenir. Clayton avait eu des ordres clairs et précis. Si la fille était jolie, elle était toute aussi importante. Et à la fin de la soirée, on lui avait demandé de la raccompagner sans encombre. Bien sûr, Clayton a accepté. Et au moment de la ramener chez elle, Clay l'a faite monter dans sa voiture. Pas un bruit, rien. Que dalle. Enfin... Si. Disons que c'était surtout Avalon qui parlait. Causante, la p'tite. P'têt un peu trop. Clay, il ne lui répondait que par oui ou par non. La pauvre... Faudrait lui poser la question. Mais j'imagine qu'elle a dû trouver ça bien chiant. Enfin... « Frustrant » serait plus approprié. D'autant plus qu'elle avait voulu tenter un truc. S'il ne parlait pas, il allait bien monter chez elle et boire un verre, non ? ... Raté. Il avait pris congé en lui disant au revoir et en lui souhaitant bonne soirée. Pour le coup, chacun est juge ; une fois de plus. M'est avis qu'il avait joué au con. Le gars avait eu l'occasion de marquer un essai. De le transformer. Mais non. J'avoue... Y'avait de quoi être frustrée. Pauvre Ava...

• Aujourd'hui... Ça doit faire plus d'un an qu'il n'a pas recroisé Ava. S'il l'a oubliée ? Oui et non. En vrai, il s'occupe. Il se change les idées. Et de temps en temps, bah il repense à elle. Il y repense ; parce qu'il se dit qu'il a été idiot. Pourquoi ne pas avoir accepté son verre ce soir-là ? S'il l'avait fait, qu'est-ce qui se serait passé ensuite ? Mystère. En vrai, il avait évité la chose exprès. Exprès, parce qu'il ne voulait pas tomber dans le piège d'une Gwendolyn 2.0. Mais d'un autre côté, il s'en veut un peu. Il s'en veut parce qu'il s'imagine p'têt bien être passé à côté d'une belle expérience. D'une belle histoire d'amour qui aurait pu durer. C'est marrant que j'vous parle de ça, tiens. Un soir, Clay était dans un bar en train de boire un verre. Pas au point de picoler comme un trou, j'vous rassure. Mais disons que la journée avait été épuisante. Et au fil des années, il ne s'était toujours pas trouvé une bande de potes pour décompresser. Alors il le faisait tout seul. Et ce soir-là, il l'avait revue. Elle était là. Ava... Marrant le destin, hein ? Une coïncidence ? Des retrouvailles calculées ? Le hasard l'aura presque fait sourire. Si on lui pose la question, Clayton ne saura pas répondre. Amoureux ? P'têt bien. En vrai... Lui, il vous répondra juste qu'Ava... Bah elle a un truc de spécial. Quant à savoir quoi... Mystère. Après tout, Clayton finira sûrement par le trouver, au fil du temps. On verra bien...