(ELVIRA SARACEN) until dawn

◗ Portrait
une date  - 5 juillet 2011, le jour où elle a dit oui à l'homme de sa vie.
un animal  - le chat, aussi indépendant que câlin.
une fleur - l'edelweiss.
une couleur - le bleu.
un film - le silence des agneaux.
une chanson - enjoy the silence - depeche mode
un instrument  - un violon.
un bruit  - le crépitement de la machine à café.

◗ Vracs
01. Elvira grandit dans ce qu'on pourrait appeler une famille modeste. Ce n'était pas la grande richesse mais la jeune fille n'a jamais connu la misère non plus. Elle était la fille du milieu, le grand frère qui ne voulait pas jouer avec elle et la petite sœur pot de colle qui la copie sans cesse. Une famille haut en couleur, sans drame familial significatif. Au fil du temps et des rencontres, elle s'estime être des plus chanceuses, d'avoir vécu ce que ses parents appelaient la norme. 02. Enfant Elvira découvre la musique, en particulier le violon. Elle tanne ses parents jusqu'à ce qu'ils acceptent de l'inscrire à l'école de musique près de chez elle. Sa famille subit durant quelques temps sa musique en clé canard, pincements de cordes aléatoires et mouvements d'archer hasardeux. Elle n'a jamais cessé de jouer malgré les années. Enfant fidèle et loyal, elle ne papillonne pas pour s'essayer à d'autres activités. Cependant, Elvira n'a jamais eu l'envie d'en faire son métier. Simplement jouer pour elle, dans un orchestre amateur de temps en temps mais rien de plus. 03. Une après midi durant son adolescence, Elvira passa son temps dans le grenier de ses grands-parents. Recherche de vestiges de leur jeunesse et de celle de son père. Dans un carton tapissé de poussière, elle trouva un vieil appareil photo. Un polaroid des années 70. Elle redescend avec, elle n'en revient pas qu'il fonctionne toujours. Une nouvelle passion nait. D'abord des photos prises sans réfléchir, juste s'amuser, figer des instants de vie. Puis les recherches dans les livres de photographie, les expo dans les musées de Séville consolidèrent sa passion. Elle économisa des mois pour acheter son premier réflex, créa son premier blog photo. Elle le savait, elle voulait devenir pro. Quand le lycée fut terminé, elle s'envola pour Madrid, elle avait postulé qu'à l'école internationale de photographie de la capitale. Sentant dès les premiers jours qu'elle avait fait le bon choix. Elle décroche le graal du photographe indépendant quand le national geographic accepte ses clichés pour les intégrer dans leur magazine. 04. Une journée comme une autre à Madrid, une journée chaude où Elvira se baladait. Une robe considérée trop attrayante par un testostéroné en rut. Le refus une fois, la sourde oreille sur le reste du trajet. Le lourd qui ne lâche pas l'affaire et au loin, il y a ce garçon. Grand brun, à l'allure sportive. A court d'idée, Elvira n'a plus que ça a tenté. La main qui agrippe la nuque de l'inconnu, pressant ses lèvres contre les siennes, un baiser spontané. Elle ne put s'empêcher de rire « Je cherchais à échapper à quelqu’un…alors, merci » furent ses premiers mots. Une rencontre qui aurait pu en rester là, souvenir cocasse de cette journée. Mais ce fut que les premiers instants de leur histoire. Elvira en était la première choquée. Elle qui voulait faire le tour du monde à la fin de ses études, sans attache, avec son sac à dos et son appareil photo au cou. Pourtant, elle était comme une gamine face à Alec. Impatiente d'avoir un message de sa part, qu'il rentre enfin de ses missions à l'autre bout du monde ou sautant dans le premier avion pour le rejoindre. Elvira rêva de ce fait, d'une famille, d'avoir une part de lui constamment chez eux. Un petit saracen titubant dans le salon. Mais ce n'était pas juste, que ça soit pour Alec d'être loin de son enfant et pour ce petit bout d'être loin de son père. Puis il y a ce jour, celui où il a raccroché, celui où ils ont décidé de s'installer définitivement au Canada, dans le pays natal d'Alec. 05. Depuis l'adolescence, son cycle menstruel n'était pas très régulier, elle n'était pas inquiète. Après tout, elle était jeune, il fallait le temps pour que ça se mette en place. Avec le temps, elle continua à simplement penser que c'était normal. Le stress, le fait qu'elle soit une petite pile électrique, toujours sur un projet. Et puis les 28 jours, ce n'est qu'une moyenne, elle faisait simplement partie des femmes au cycle long. Elle ne s'en était jamais inquiétée jusqu'au jour où avec Alec, ils eurent le projet d'avoir leur famille à eux. Elle ne s'était pas forcément vue maman un jour mais c'était un beau projet de vie avec celui qu'elle aimait plus que tout. Mais malgré plusieurs tentatives, toujours rien. C'est en réalisant plusieurs examens que le couperet tomba. Ovaires polykystiques. Ce mot compliqué abstrait s'enchaina avec le mot infertilité. Ses cycles irréguliers sont la preuve d'une rareté d'ovulation. Ils leur seraient très compliqué d'avoir un enfant. Moment très difficile mais Alec était là, prouvant chaque instant son amour et son soutien. Acceptant qu'ils seraient un couple sans enfant, qu'ils se trouveraient d'autres projets de vie, à partager à deux, plutôt qu'à trois. 06. Puis il y a cette révélation. Ce qui a choqué le couple tellement c'était inespéré. Un test de grossesse positif et une échographie pour confirmer. Alec et Elvira allaient être parents. Il y a eu l'euphorie du moment, d'avoir réussi à vaincre le syndrome. Et pourtant, elle était persuadée que ça n'allait pas aller. Qu'elle allait faire une fausse couche, que l'enfant ne se développerait pas bien, que la grossesse n'irait jamais à terme. Persuadée qu'elle n'aurait pas cet enfant, Elvira s'est très mal préparée pour l'arrivée de son petit bout. On pourrait lui dire qu'elle a eu l'accouchement de rêve, sans forceps ou césarienne d'urgence. Et pourtant le déni était toujours là, ce n'était pas possible. Leur fille, leur petite Romy, ne pouvait pas être là. 07. Sa fille était magnifique, en pleine forme et pourtant Elvira avait un blocage. Le mythe de la rencontre magique, du coup de foudre avec son enfant ne s'est pas produit. Ce qu'elle a surtout ressenti, c'est de la peur. La peur de ne pas être à la hauteur, de ne pas savoir s'en occuper correctement, la culpabilité de ne pas ressentir ce qu'on lui disait qu'elle devait ressentir. Elvira qui était solaire devait très angoissée, persuadée que tout allait mal se passer. Le bain, elle ne laissait personne donner le biberon à sa place, incapable de dormir la nuit de peur que Romy ne se réveille pas le lendemain matin. L'amour était présent mais l'angoisse annihilait tout le reste. Jusqu'au jour où ce n'était plus possible, jusqu'au jour où Elvira a eu besoin de se préserver. Elvira, elle doit fuir, pour son bien et celui de son entourage. Elle prend un sac de vêtement et son passeport. Elle retourne chez elle, en Espagne. Retrouver ses racines et avec son état, elle était simplement incapable de faire quoique ce soit en anglais, elle devait retrouver son espagnol natal. Avant de faire la pire bêtise de sa vie. 08. Idée noire qui s'immisce dans son esprit avant de ronger chaque cellule de son corps. Au point de penser qu'Alec et Romy s'en sortiraient mieux si elle n'était pas là, si elle disparaissait. Conviction qui ne la quitte plus. Elle ne pouvait pas être heureuse actuellement, ceux qu'elle aime le plus allaient forcément en pâtir. Elle voulait tellement leur bonheur, même si ce bonheur devait se faire sans elle. Avant de prendre son avion, elle avait rencontré un avocat pour lancer la procédure de divorce. Elle reçut les papiers et les signa, cochant la raison différents irréconciliables. Bien consciente que c'était elle la fautive dans cette histoire. Mais c'était mieux ainsi pensa t'elle, persuadée qu'elle ne repasserait jamais le pas de sa porte. 09. Arrivée en Espagne, Elvira rejoint un centre pour soigner sa dépression, son mal-être et chasser ses idées parfois suicidaires. Elle se recentra sur elle, participant principalement à des groupes de parole et à des séances avec des professionnels de santé. Elle refusa toute médication, elle ne voulait pas être dépendante d'une substance, elle voulait se soigner par elle même. Faire ce chemin long et difficile. Le faire une seule fois et pas une autre. Se recentrer sur elle ne voulait pas dire qu'elle ne pensait pas à sa fille et à Alec. Pendant un temps, ces pensées la faisaient énormément souffrir. La tirant dans les tréfonds de son mal-être. Le temps a fait son effet, être réellement écoutée, comprise et suivie lui fit un bien incroyable. Sept mois de thérapie, sept mois à être accompagnée quotidiennement dans la bienveillance et le non jugement. Elle avait besoin de ça pour repartir en confiance. 10. Elvira a repris l'avion pour le Canada. Elle s'est retrouvée un petit appartement à Kurland. Prête à retrouver une place dans la vie de Romy et persuadée aussi que depuis le temps Alec a signé les papiers du divorce. Un rendez-vous chez son avocat lui confirma que ce dernier n'avait rien reçu. Rien n'avait été signé. Elvira sait qu'elle lui doit une explication, qu'il mérite de comprendre ce qu'elle a traversé et pourquoi il lui a été vital de partir. Si cette rencontre l'angoisse d'une certaine manière, elle ne souhaite pas rester une mère démissionnaire et n'avoir aucun lien avec sa fille. Elle a déjà raté tellement de choses et espère pouvoir rattraper le temps perdu. 11. elle est gauchère - elle a toujours le polaroid de son père quelque part dans un carton - elle adore faire la cuisine, teste plein de choses mais ne suit jamais la recette prévue - elle avait fait une demande de naturalisation qu'elle n'a jamais terminé - elle a adopté un chat dans un refuge de la ville - elle est allergique aux arachides - elle a une photo de ses parents et de sa fille dans son portefeuille - elle regarde beaucoup trop netflix - elle a toujours un appareil photo compact dans son sac - elle ne boit pas d'alcool - elle n'a jamais fumé - elle organise son projet photo au pérou - elle a plusieurs tatouages - sa bibliothèque est remplie de livres qu'elle n'a jamais eu le temps de lire - elle a commencé à suivre une chaine youtube pour se mettre au yoga