: Charlie. C'est le seul prénom auquel je réponds, Charlene c'est juste bon pour les papiers et mes parents
: Loyale - Bornée - Sociable - Croit devoir tout gérer seule - Tendance bordélique - Passionnée - Protectrice - Battante
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Portraitune date - 2 août 2002. Mon mariage avec Caleb
un animal - Les panda. Ils ont l'air d'avoir une vie plutôt simple et tranquille
une fleur - Les arums. Cal en avait planté quelques uns à côté de la terrasse et j'en prends grand soin
une couleur - Rouge. La couleur de ma voiture
un film - Alien, de Ridley Scott
une chanson - Would you go with me, de Josh Turner. J'ai un petit penchant pour les balades country
un instrument - La guitare.
un bruit - Les respirations de mes enfants quand ils dorment
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VracsRencontre
- Papa, comment t'as rencontré Maman ?
Je lève les yeux de mon livre en entendant la question de Cameron, et croise le regard de son père, assis avec lui par terre, l'aidant à construire un vaisseau spatial en Lego. Caleb m'adresse un clin d'oeil amusé avant de se frotter l'arrière du crâne en faisant une grimace de douleur.
- Elle m'a violemment attaqué avec une clé à molette. On l'aurait pas cru dangereuse comme ça, avec ses collants à rayures multicolores, sa salopette et ses bottes de pluie rouge, mais elle a failli m'envoyer à l'hôpital.
Je lui envoie un coussin pour le faire taire :
- Cal ! Ne me fais pas passer pour je ne sais quel genre de monstre devant notre fils, s'il te plaît. Pour ma défense, je l'avais pris pour un voleur. Ted ne m'avait pas prévenu qu'il accueillait quelqu'un chez lui, je n'ai fait que me défendre contre un intrus. Et puis tu avais le crâne déjà bien dur, et une sacré carrure comparé à moi. Je t'ai tout juste assommé quelques minutes.
Le pauvre Ted avait dû manquer d'avoir une crise cardiaque en me trouvant dans sa cuisine, paniquée, clé à molette en main, son apprenti nouvellement débarqué étendu inconscient par terre. Il l'avait porté dans la chambre et nous avions attendu qu'il se réveille pour que les présentations soient faites en règle. Caleb était un neveu éloigné que Ted avait accepté d'accueillir suite à des problèmes familiaux, et avait proposé de le former à la réparation de voitures dans le garage qu'il possédait.
Ni Caleb ni moi n'aurions pu deviner ce jour là où cette rencontre nous mènerait dix ans plus tard. Une famille, que bientôt viendrait agrandir un deuxième enfant. Je jette un dernier regard attendri à mon fils et mon mari concentrés sur leur construction, avant de me remettre à ma lecture
Mariage
"- J'ai bien réfléchi et c'est pas une mauvaise idée
- Quoi ?
- Nous marier. Epouse-moi chéri”
Caleb qui était occupé à farfouiller dans ses outils se relève et se tourne vers moi avec un air complètement ahuri. Cela fait des mois qu'il me propose de l'épouser et que je lui réponds que nous sommes trop jeunes, que je ne veux pas m'enfermer dans une institution patriarcale, que je ne veux pas que sa demande soit motivée par le fait que nous avons un fils ensemble. Et voilà que j'envisage de lui dire oui, alors que nous sommes installés dans le garage, les mains pleines de crasses et de cambouis. Caleb souris :
- Tu as le chic pour trouver le meilleur moment. Où sont les roses, les violons et la bague en diamant ? Faisons au moins ça un minimum dans les règles.
Il se retourne farfouiller dans les caisses avant de s'agenouiller devant moi :
- Charlene Olivia Murdoch, acceptes-tu que je fasse enfin de toi une honnête femme ? Ou de faire de moi un honnête homme ?
Pour toute réponse, j'éclate de rire en voyant l'écrou qu'il tient entre ses doigts et lui tend ma main pour qu'il le passe à mon annulaire.
Nouvelles
- Des jumeaux Cal. On va avoir 2 autres enfants , lui annoncé-je avec un immense sourire, de retour de mon échographie.
Il voudrait sourire lui aussi, se réjouir, je le sens. Mais c’est autre chose qui l’emporte dans son regard, sans doute lié au papier qu’il tient dans la main.
- J’ai reçu les résultats de ma biopsie. C’est cancéreux.
Choc. Incompréhension. Je vais m’asseoir à ses côtés, prends sa main, attends qu’il continue.
- Ce n’est que le début ils m’ont dit. Il faudra d’autres analyses, des radios. Savoir si c’est opérable, si on tente une chimio.
Je le prends dans mes bras et le serre fort. Je réfrène comme je peux l’angoisse que je sens monter en moi. C’est terrifiant comme annonce, une bombe qui va tout chambouler, mais c’est la santé de Caleb dont il est question. Et il va avoir besoin de tout le soutien que je pourrais lui apporter. Ses larmes tombent doucement sur mes épaules alors qu’il murmure:
- J’ai peur Charlie.
Maladie
- Papa, papa, ils sont passés où tes cheveux ?
Caleb s’agenouille près de Sid et avec un air de conspirateur, lui demande :
Je peux te confier un secret ? Je tente de me reconvertir en boule de bowling. Faut pas le dire à maman, elle n’aime pas cette idée
Sid rit, tandis que je souris d’un air attendri. Nous finirons par devoir le dire aux enfants. Mais pas encore. Je ne veux pas que leurs pensées soient encombrées par la maladie et ses sombres perspectives, comme le sont les miennes depuis des mois.
- Partons ensemble quelques jours. Pour l'anniversaire de Cameron. Dix ans c'est pas rien. On pourrait le laisser choisir la destination. On pourra recommencer avec les autres quand ils atteindront eux aussi les deux chiffres. Un voyage en famille. Ca fait longtemps
Nous sommes allongés dans le lit, enlacés, attendant que le sommeil vienne nous prendre. Je me demande depuis quand Caleb réfléchit à ça. J'essaie de
ne pas penser à ce qui plane à l'ombre de sa proposition. Sera-t-il encore là quand Sid fêtera ses 10 ans ? Et les filles ? Chaque nouveau mois gagné contre la maladie est une petite victoire, mais nous rapproche aussi inexorablement du jour où le traitement ne suffira plus et que son corps lâchera.
- D'accord. On leur en parlera demain.
Perte
- Je peux pas Alec, je... Je vais pas y arriver. Je suis une catastrophe en cuisine, ça va être désastreux. Je vais quand même pas nourrir mes enfants avec des pâtes et des pizzas tous les jours. Cameron attend toujours l'étagère que Caleb et moi devions lui construire. Sidney va rentrer au collège et je sais... je sais pas comment le préparer à tout ça. Et les filles...les filles n'ont même pas 6 ans. Comment je vais faire ? Comment.... Je peux pas, pas sans lui. Ils ont besoin de leur père. J'ai... j'ai besoin de lui.
Les mots se bousculent dans ma bouche, mes battements de coeur sont trop rapides et je n'arrive plus à trouver ma respiration. Mon cerveau sous-oxygéné met quelques minutes à trouver ce qui se passe. Une crise d'angoisse. Je fais une crise d'angoisse. Mon meilleur ami l'a compris lui aussi, il m'a déjà vu dans cet état. Je le vois à peine quitter la pièce tandis que je glisse le long du mur, le visage trempé de larmes, tentant de trouver un peu d'air. C'est l'esprit embrouillé que je sens une main se poser sur mon épaule et j'attrape machinalement le sac en papier qu'il a mis devant ma bouche :
- Ça va aller Charlie. Tu vas t'en sortir. Respire, calmement.
J’essaie. Mais même avec la porte fermée, me parviennent les bruits du rez-de-chaussée, tous ceux qui sont venus nous soutenir et faire leurs adieux à Cal. Ami·es, famille, voisin·es. Je suis vraiment la pire des hôtesses, à les avoir laissés eux en bas. Et les enfants…
- Je… Je dois redescendre. Ils ont.. Ils ont besoin de moi.
- Tu ne vas aider personne dans cet état. Prends ton temps, ta famille s’occupe des invités. Et je crois que ta mère est monté avec les gamins y’a pas longtemps. Ça va aller Charlie, tu n’es pas toute seule. Crois-moi, tu te débarrasseras pas de moi comme ça. Je partirais pas d’ici avant d’être sûre que tu respires correctement. Et je trouverais bien un moment entre deux missions pour t’apporter des repas ou éteindre l’incendie que tu auras déclenché en tentant je ne sais quelle recette en dehors de tes compétences. Je les aime bien tes gamins, j’aimerais qu’ils survivent encore un peu.
Un gloussement étranglé m’échappe, entraînant une quinte de toux que je mets quelques secondes à calmer. Ca a au moins le mérite d’avoir détourné un instant mes pensées. Je prends une profonde inspiration et adresse un sourire reconnaissant à Alec :
- T’es vraiment con tu sais ? Mais merci. Pour tout.
Sa main se pose sur la mienne :
- Je serais toujours là pour toi.
Visite
- Bonjour chéri
J’enlève les quelques feuilles mortes qui sont tombées sur la pierre, que je nettoie ensuite des traces que la pluie et la poussière ont laissées, puis m'assois dans l’herbe et dépose le bouquet de fleurs que j’ai acheté en venant.
- Je suis désolée, je ne suis pas venu depuis longtemps, ces dernières semaines ont été chargées. C’est bon, Cameron est bien installé dans son appartement, il commence les cours dans dix jours. Notre bébé a bien grandi. Je crois bien qu’il te dépasse en taille maintenant. Ça va être dur de ne plus le voir tous les jours. Mais je suis si heureuse qu’il ait été accepté dans cette école. Oh, les filles ont choisi la destination pour leur anniversaire. Enfin, Em a choisi et sa soeur l'a suivi, comme souvent. Ce sera New-York, nous partirons juste après Noël, maman tient à son repas de fête en famille. Cam m’a dit qu’il essaierait de se joindre à nous, au moins pour le week-end.
Je continue à lui parler ainsi pendant presque une heure, lui racontant les départs de la ville, les nouveaux arrivants, les naissances, les décès, les petits tracas du quotidien et les grandes nouvelles. La vie continue, la ville vit encore, ses habitants se battant pour la garder à flot. Jetant un oeil à ma montre, je m’exclame :
- Crotte, presque midi. Il faut que je file, le repas ne va pas se faire tout seul.
Je me relève et frotte mon jean pour en faire tomber brins d’herbes et feuilles mortes. Je presse mes doigts contre mes lèvres avant de poser ma main tendrement sur le marbre froid en guise d’au-revoir.
- A bientôt Cal.