J'voulais rouler, rouler, toute la nuit, sans m'arrêter | ft. Charlie

rouler encore et encore

ft. Charlie Wayland

Putain. Le moteur vrombit, comme il le devrait, quand tu fous le pied sur l'accélérateur. Mais y'a ce petit bruit, ce petit grain de sable dans la machine qui donne au son cette teinte différente, et pas rassurante, du tout. PUTAIN. Tout ça pour une histoire de date. Et bah ça t'apprendra à croire au grand amour.

Il existe pas, il arrive plus en calèche ou sur son cheval, et il défonce ta bagnole en plus. Faut que tu te calmes, ça sert à rien de crisper tes doigts de frustration sur ton volant. Faut que t'ailles au garage, avant que le petit cliquetis ne devienne un grand bruit sec et unique, qui va ensuite laisser place à un grand silence. Tu veux pas faire ça au cadeau de ta sœur, tu peux pas imaginer perdre cette voiture, pas pour sa valeur matérielle, mais pour toute cette symbolique de lien familial si fort qu'elle englobe. Elle est un peu le point final à la fin de la longue phrase qu'était ton mariage, elle t'a permis de partir loin, très loin. Tu y tiens, énormément.

Alors tu l'as traîné, avec le plus de douceur possible, jusqu'au garage. T' y as pas encore mis les pieds, chanceux que t'es, elle t'a fait aucune misère en deux ans ici. Tu sais pas si ça va poser de problèmes que t'aies pas rendez-vous, tu sais pas comment ça fonctionne mais ce qui est sûr, c'est que tu tiens à ta caisse, et que tu feras ce qu'il faut pour qu'elle aille bien. C'est donc après avoir garé l'engin bleu lilas sur le côté, à l'entrée, que tu t'aventures à l'intérieur, le pas hésitant, la voix qui essaye de porter mais sans crier :

BONJOUR ? J'ai pas pris rendez-vous-

Tout toi ça : dans l'urgence mais poli. C'est un peu comme crier à l'aide dans un murmure : peu de gens ont de chance de l'entendre mais tu marches comme ça. T'aimes pas déranger, t'aimes pas t'imposer mais bon, la vérité aussi : c'est que t'es pas mécanicien pour un sou. Alors parfois, faut bien demander.

J'voulais rouler, rouler, toute la nuit, sans m'arrêter (feat Maxence)

La loi de Murphy, dans sa version la plus détaillée, affirme que "S'il existe au moins deux façons de faire quelque chose et qu'au moins l'une de ces façons peut entraîner une catastrophe, il se trouvera forcément quelqu'un quelque part pour emprunter cette voie" J'ai pu, au cours de ma vie, confirmer plusieurs fois cette loi. Mais ce n'est pas vraiment ce qui nous intéresse ici. J'ai, un jour pluvieux où je m'ennuyais à faire l'inventaire du garage, développé ma propre loi. La loi de Wayland. Qui se décline comme suit "Si un client à le choix entre débarquer à l'improviste un jour où je m'ennuie profondément et ne demande qu'à m'occuper de sa demande, et le faire un jour où j'ai suffisamment de travail pour m'occuper toute la semaine, ça tombera bien trop fréquemment sur la 2ème. Bonus si j'ai en plus les mains pleines de cambouis au moment où le carillon de l'entrée résonne, que ça tombe sur un jour de repos de Luna, et que Sid est encore au lycée, laissant l'accueil vide de toute présence" Ok, cette dernière partie je viens de la rajouter mentalement en entendant une voix qui semble provenir de l'entrée du garage. Pas la grande donnant directement sur l'atelier et où viennent me chercher les habitués. L'entrée officielle, débouchant sur le petit bureau d'accueil. Un nouveau donc.
- J'ARRIVE ! m'exclamé-je, espérant que ma voix porte suffisamment loin en alors que je m'extirpe de sous le véhicule dont j'étais en train de m'occuper.
Je rejoins l'accueil en m'essuyant comme je peux les mains sur un torchon que je glisse ensuite à ma ceinture. On a vu plus pro comme tenue mais faudra faire avec.
L'accueil n'est pas très grand, mais plutôt confortable. Le bureau de Luna dans un coin accompagné de deux étagères remplies de toute la paperasse qu'occasionne inévitablement une entreprise. Deux fauteuils au cuir un peu passé mais toujours confortables, pour les clients qui voudraient se poser. Les murs couverts de déco diverses, pas mal de clichés des voitures qui sont passées entre tes mains, des photos de familles, des tirages plus artistiques de paysages, quelques dessins de mes enfants. Et au milieu de tout ça, un inconnu, avec le genre de carrure qui pousserait ma mère à s'exclamer "Mais faut le remplumer un peu ce gaillard" si il venait dîner chez elle. Enfin, personnellement je me moque bien de son allure, je suis bien plus intéressée par le véhicule qu'il m'amène.
Je lui tends la main par réflexe, me ravise en voyant les traces noires qui s'étendent encore dessus, la range dans la poche arrière de mon jean, lui adresse à la place un sourire :
- Qu'est-ce que je peux faire pour toi ?

Codage par Libella sur Graphiorum

rouler encore et encore

ft. Charlie Wayland

T'es nerveux. Et ça se voit, pas besoin d'avoir fait quatre ans de psycho. Tu tapes très légèrement du pied, à un rythme régulier, tes doigts pianotent sur ton avant-bras, lié à l'autre, croisés sur ton torse : ça t'empêche de balancer tes bras nerveusement le long de ton corps balant, qui danse sur un pied puis sur l'autre. Bref, tu tiens pas en place, et c'est l'inquiétude qui te fait ça. Et c'est pas tout ce qu'elle te fait.

Bonjour euh- Un sourire gêné mais amusé à cette main tendue puis retirée, plein de cambouis. Désolée de déranger, j'ai eu un accrochage- enfin, le mot est faible.

Faible autant pour la gueule de l'avant de ta bagnole que pour l'accrochage humain qu'il y a eu avec. Ah ça, tu t'en souviendras, tu risques pas d'oublier. Non, pas possible.

En vrai, je suis pas mécano pour deux sous, donc vaut mieux que je vous- te montre ? Mais ça peut attendre hein, vu que j'ai pas pris rendez-vous...

T'as tellement peur de déranger que t'en deviens presque bizarre. Mais c'est avec les nerfs à rude épreuve ça aussi, t'es en train de redescendre, alors forcément, ça fout un peu le bordel. Tu l'invites gentiment à te suivre dehors, histoire d'au moins lui montrer le cadavre - non pas le cadavre, ça porte malheur de l'enterrer verbalement aussi vite. Ta voiture, et son nouveau petit coup de chirurgie esthétique made in ton date chaotique.

Voilà... On dirait pas comme ça mais j'ai roulé jusqu'ici. On dirait vraiment pas, vu que le phare avant gauche est complètement éclaté et que la carrosserie est complètement enfoncée - petit miracle qu'elle ait roulé jusque-là, parce qu'avec un tel renfoncement dans la structure, impossible de croire que le moteur a pas été touché à un endroit ou à un autre. La pensée te terrifie. Mais tu mettrais ton rein pour cette voiture - ou plutôt, ce qu'elle représente sentimentalement. Je sais pas si elle va redémarrer mais elle faisait un petit bruit bizarre et bon... Ouais- ça se voit je suppose qu'elle a connu de meilleurs jours ?

T'es pas mécanicien pour deux sous, ça se voit - tu lui jettes des sourires gênés et des regards désolés de ne pouvoir affirmer que ce qui est déjà visible.

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